Le monde selon... + EDIT du 2 juin
... qui ? Ceux qui nous gouvernent ? Qui ne suivent que les diktats du fric et de la rentabilité ?
Ils sont en train de TOUT POURRIR et ça me révolte.
Pour garder le moral en ce moment, il faut quand même avoir une sacré dose d'optimisme (ou d'inconscience)...
En rentrant à 20h15 du dernier conseil d'école de l'année, j'écoutais France Info et les nouvelles pas très réjouissantes pour les fonctionnaires roumains (qui après les Grecs et afin de pouvoir obtenir des prêts supplémentaires du FMI) vont voir leurs traitements baisser de 25 % !!!!!!
Cette nouvelle m'a achevée après celles que j'avais eues plus tôt.
Dernier conseil d'école donc et préparation de la rentrée suivante.
En septembre on nous a supprimé la CLIN (Classe d'intégration pour les enfants non francophones). Et forcément, les enfants qui arrivaient étaient envoyés dans la/les CLINs les plus proches. Mais, fatalement, dès décembre, ces CLIN étant pleines, on nous a renvoyé les enfants dans nos classes "normales". Et démerdez-vous, après tout vous êtes polyvalents !
On va bientôt accueillir un enfant d'Europe du nord ne parlant bien entendu pas un mot de français. Il y a un mois c'en était un autre, et le mois précédent un autre. On a largement de quoi rouvrir une CLIN dans l'école.
En septembre prochain on aura une autre classe de supprimée. Pas assez d'élèves ont-ils décrété il y a quelques mois au moment des sacro-saintes décisions de fermetures de classes. Sauf que depuis on a eu plein d'inscriptions et à 5 élèves près (pour le moment, mais d'autres vont sûrement arriver d'ici septembre) on est au même effectif que l'an dernier... mais avec une classe en moins !
On s'oriente donc vers 4 doubles niveaux sinon ce sera des CM1, CM2 et CM1/CM2 à 33 minimum !
Elle est pas belle la vie ???
Ca pourrait éventuellement nous permettre des économies d'énergie, car 33 élèves dans une classe, ça chauffe...
Et puis le poste de maître E aussi a été supprimé à la rentrée dernière. Alors nos élèves en difficulté... le sont encore plus ! Parce que le soutien du midi pardon l'Aide Personnalisée, n'est qu'une vaste connerie qui permet de crever encore plus des gamins en difficultés, qui sont crevés à la fin de la matinée et à qui on en rajoute une couche trois fois par semaine.
Parce que ce n'est pas vrai que l'on peut tout faire. Ce n'est pas vrai que l'on peut correctement aider un enfant en grande (ou pas, d'ailleurs) difficulté quand il est au milieu de 30 autres.
L'école aujourd'hui c'est aussi un enfant qu'on vous ammène une demi-demi-journée par semaine en fin d'année et qu'on vous balance à la rentrée 4 demi-journées pleines. Sans rien vous dire de son parcours, ou plutôt en omettant de vous dire qu'il est passé par la case hôpital de jour, déscolarisation, dépression, échec. Et puis on vous laisse mariner. Un mois, deux mois, trois mois... Et pendant ce temps vous tirez les sonnettes d'alarmes un peu partout. Vous vous étonnez, vous supputez des choses... Et puis à force de râler, râler, signaler, vous finissez par craquer, un peu, beaucoup. Et puis vous reprenez le dessus. Il n'y est pour rien cet enfant après tout. Ce n'est pas lui qui est pourri, c'est le SYSTEME. Et puis un jour, on vous dit deux trois petites choses plus ou moins officieusement sur cet enfant... Pas la peine, merci vous aviez fini par comprendre sans vraiment mettre les mots dessus. Et du jour au lendemain on vous dit, on lui dit, que c'est fini. Que "l'expérience école" c'était super, mais allez on arrête. Et vous vous dites qu'il était temps. Que finalement ça risquait d'être lui ou vous, que maintenant qu'il n'est plus là vous avez l'impression d'en avoir 10 de moins dans la classe, même s'il y en a encore 30. Et vous vous en voulez de ne pas avoir su mieux faire pour lui, mieux l'accueillir, essayé de mieux le comprendre... Mais c'est difficile, parce que l'école pour moi...
C'est aussi un enfant qui vient d'une banlieue désavantagée, qu'on vous balance dans votre classe parce qu'elle est de la classe d'âge et que c'est comme ça, même si elle n'a absolument pas le niveau, qu'elle est larguée et que dès le début de l'année vous savez déjà qu'à moins d'un miracle, ce sera l'échec...
C'est aussi un enfant handicapé avec une AVS extraordinaire. Ce sont des parents de la classe qui découvrent en juin que l'AVS de cet enfant n'est là qu'à mi-temps... "Mais alors ça veut dire que le reste du temps vous êtes seule avec lui ?!". Oui c'est ça, seule et avec les 29 autres élèves de la classe.
L'école, c'est aussi gérer les crises de violence très grave de certain élève qui a blessé un camarade et qui risque d'en garder des traces à vie. Parce que on ne peut pas intégrer tous les enfants tout le temps et certainement pas avec les moyens qu'on nous donne et encore moins avec ceux que l'on prévoit de nous donner.
Ma classe, c'est aussi un enfant qui ne sait toujours pas lire, qui depuis le CP est passé d'école privée en école privée, d'humiliations en humiliations et qui 4 ans plus tard revient dans le public (ben forcément on n'en veut plus, ce n'est pas bon pour les stats de l'école, ça fait tâche !) complètement cassé. Alors on aménage, on essaie de comprendre, on se méfie de ses mensonges. Sauf que les mensonges, jusque là ont été son moyen de survie. Alors on essaie de réinstaurer la confiance, petit à petit, avec une autre maîtresse. On travaille à trois. Et puis cet enfant qui se déplaçait réellement voûté, se redresse tout doucement, se remet à sourire, arrête de mentir, fait des progrès (surtout à l'oral)... On avait aussi rapidement compris que la travail de sape était largement favorisé par son géniteur. Alors, lors de la dernière réunion de l'année pour parler de son enfant, on se venge... un peu... On lui met le nez dedans, en lui faisant comprendre qu'on a tout compris justement et que son enfant il ne pourra plus le casser comme il l'a fait pendant des années, qu'il est en train de sortir la tête de l'eau et qu'il doit l'aider, le supporter au sens propre du terme et qu'on y veillera (du moins tant que l'enfant sera dans l'école en espérant que d'ici là, les progrès seront encore plus nombreux). Et on est soutenu par notre directeur.
Ca c'est ma vie tous les jours à l'école. Mais c'est aussi tout le reste, les apprentissages, les copies, les réunions, les préparations. Quand on est prof, on n'en sort jamais. On l'est 24h/24.
Alors quand je vois ce que l'on nous prépare... j'ai envie de HURLER.
Ce qui se joue en ce moment, c'est l'avenir de NOS enfants, VOS enfants que l'on est en train de sacrifier sur l'autel des finances et de la rentabilité.
Mettre plus d'élèves dans une classe, supprimer les maîtres spécialisés, les psychologues scolaires, les intervenants en langues. C'est sûr, ça va aider les enfants à réussir... à échouer...
Les intervenants en langues. Mieux vaut ne pas me lancer sur le sujet, je peux devenir extrêmement agressive. Sous prétexte de polyvalence d'économies budgétaires, on supprime les intervenants en langues dans les écoles au profit de l'habilitation des enseignants.
Si vous n'êtes pas dans le circuit, vous ne savez sûrement pas comment se passe cette habilitation (qui à terme devra concerner tous les enseignants...)...
Sous la menace d'être viré de leur poste que l'on va "flécher" dans une langue, des enseignants se voient contraints du jour au lendemain de passer l'habilitation. Càd que pour conserver leur poste dans une école où ils sont (bien) depuis longtemps, des enseignants sont obligés de passer une habilitation dans une langue (même et le plus souvent sans avoir aucune compétence dans la langue) sinon leur poste aura une spécialisation anglais-allemand etc et si un jeunot habilité dans la langue ad-hoc demande l'école il aura le poste et le collègue sera viré.
C'est comme ça que plus de 3 collègues ont demandé l'habilitation. C'est comme ça aussi qu'elles ont eu le droit d'enseigner la langue sans avoir au préalable fait le moindre stage de formation... A partir du moment où sur le papier elles ont dit qu'elles voulaient être habilitées, elles ont le droit de commencer à enseigner la langue !!!!
Quant au stage, elles l'auront l'an prochain si tout va bien et s'il y a de l'argent et des remplaçants...
Alors que l'on ne vienne pas nous taper dessus ensuite en nous disant que nous sommes la lanterne rouge de l'Europe pour l'enseignement des langues.
L'enseignement des langues à l'école est un scandale.
Le budget langues pour l'école entière est de moins de 1,5 euros par enfant !
L'enseignement devient un scandale. On se fout de nous, on ne nous écoute pas, ils ne pensent que FRIC, CHIFFRES.
Mon grand-père qui était professeur avait toujours dit que lorsqu'un pays commençait à économiser sur l'Education, il fallait commencer à s'inquiéter...
Je suis très inquiète...
EDIT du 2 juin :
J'étais très en colère hier soir quand j'ai écrit ce post et je le suis toujours ce matin et ça fait un moment que ça dure. Et je voulais le redire.
Ce gouvernement passe son temps à taper sur tout le monde et les profs en particulier. Ca a toujours été drôle de taper sur le dos des profs, ces privilégiés, 24 ou 18 heures de cours pas semaine, 6 mois de vacances par an, une super paye pour ce que vous faites, toujours en train de se plaindre, jamais contents, toujours en grève, toujours malades, toujours absents...
Et ces attaques sont encore plus nombreuses et plus virulentes depuis quelques années, depuis la crise parce que l'on ferait figure de "super privilégiés" par rapport aux autres salariés en France.
Alors je voudrais ajouter 2/3 petites choses parce que j'en ai MARRE !
Je voulais avant tout mettre les choses au point sur nos mirobolants revenus et nos vacances : nous sommes payés 10 mois répartis sur 12, donc nos 2 mois de vacances estivales nous les payons, nous n'avons pas 6 mois de vacances mais 7 semaines et demi pour les petites vacances. Nous n'avons donc rien à envier à pas mal de salariés du privé qui cumulent 5 semaines de congés payés plus pas mal de RTT et/ou des semaines de vacances supplémentaires grâce à leurs conventions collectives.
Ces vacances trop longues, trop fréquentes que l'on nous reproche sans cesse, sont ABSOLUMENT nécessaires. Faire classe toute la journée, c'est fatiguant si on veut faire travailler et progresser les enfants. Le stress est de plus en plus présent surtout avec des cas qui se multiplient dans les classes et qui peuvent "péter les plombs" à n'importe quel moment et pour n'importe quelle raison !
Je mets au défi quiconque n'a jamais enseigné de venir faire travailler, pas juste surveiller une classe, pendant plusieurs jours...
Ma grand-mère, qui elle aussi était professeur, a toujours dit à ces personnes qui se permettaient de critiquer notre travail, que si c'était si facile ils n'avaient qu'à passer le concours.
Après 10 ans dans l'enseignement je gagne moins de 1900 euros nets par mois, après 5 ans d'études. Oui je savais que je ne ferai pas fortune dans l'enseignement, je le dis juste pour qu'on arrête de nous prendre pour des nantis. (Je n'ai pas retrouvé le comparatif des traitements des enseignants en Europe mais nous sommes dans le peloton de queue). Et heureusement que mon mari travaille dans le privé parce qu'une paye d'instit pour vivre... à Paris ou ailleurs... Je gagnais plus il y a 12 ans quand je travaillais encore dans le privé. Ce fut mon choix de rejoindre le public. C'est pour cela que je peux comparer les deux.
Loin de là de vouloir opposer les deux, juste envie de remettre les pendules à l'heure.
Les parents qui font la tête les jours des vacances en me disant "Mais qu'est-ce qu'on va faire avec eux ? Je ne sais pas comment m'en occuper, ils me fatiguent, je préfère quand ils sont en classe !" ou qui me disent les jours de rentrée "Ouf, enfin finies ces vacances, on va pouvoir se reposer !"...
Le problème c'est que tout est fait aujourd'hui pour dénigrer les enseignants et leur travail.
Moi je dis que l'on fait ce que l'on peut avec les moyens que l'on nous donne. Et j'ajoute que ce n'est pas non plus en envoyant des jeunes diplômés dans des ZEP difficiles que cela s'arrangera. J'en ai fait les frais en début de carrière... J'ai commencé ma première heure de cours en évitant une chaise lancée par un élève...
J'en ai MARRE, MARRE, MARRE de cette haine du gouvernement pour les profs, de cette haine qui se propage au reste de la société.
On travaille pour LES enfants, VOS enfants et pour nous c'est ce qui compte, sinon il y a longtemps qu'on aurait changé de métier... mais s'il (le gouvernement) continue, il va réussir à nous en dégoûter...